BRÛLANTS VISAGES
le surréalisme entre ombre et lumière
6 juin - 13 juillet 2024
ROBERTO ALVAREZ RIOS
HANS BELLMER
LUCIEN COUTAUD
DADO
FELIX DEL MARLE
ESTEBAN FRANCÉS
GEORGES HUGNET
ARTÜR HARFAUX
DORA MAAR
PIERRE MARRAST
ANDRÉ MASSON
BERNARD RÉQUICHOT
Influenced by the successive avant-garde movements and the Dada rupture, the artists gathered in Paris around André Breton offered a genuine renewal of imagery. Surrealism unfolds in a dark period, with the rise of extremism and authoritarian temptations across Europe. Surrealist productions, although they have no distinct plastic ideology, lean towards an illusionistic representation of the artist's dreams, terrors, and fantasies. The face then becomes a mask, swollen with expressions, reflecting the poet's soul's anguish. These deformed faces act as portals between the artists' inner world and reality. Surrealist images, imbued with magical cultures, psychoanalytic readings, and literary references, reveal all the energy of a generation burning with a desire of freedom.
Roberto Alvarez Rios continues the tradition of great Cuban surrealist artists, following in the footsteps of Wifredo Lam. However, Alvarez Rios adopts a less political approach to his art than his glorious predecessor. His touch is imbued with great gentleness, with mysterious forms emerging in delicate light. Vegetal, animal, humanoid, these forms evolve in strange environments, between dreams and tender awkwardness. This 1971 work is emblematic of his dreamlike surrealism, showing an elongated form representing a sleeping man, creating around him a new world, that of his dreams.
La peinture d’Esteban Francés, faite de paysages mystiques aux horizons déchiquetés est marquée par le tragique de la guerre, lui qui a fui la guerre civile espagnole pour trouver refuge à Paris. D’un exil à un autre, Francés part s’établir au Mexique pendant la Seconde Guerre Mondiale, au même titre que d’autres confrères surréalistes. Ces Masques fantastiques sont sûrement réalisés à son arrivée au Mexique. Ce sont des masques amérindiens et esquimaux, traités en partie selon la technique du grattage développée par Max Ernst. Les masques ont une présence puissante et suggestive, renvoyant aux forces invisibles et surnaturelles qu’ils invoquent, ils agissent comme des totems magiques.
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, alors confiné dans son village natal de Pont-sur-Sambre (Nord), Félix Del Marle entame une période surréaliste alors qu’il n'a aucun contact avéré avec le groupe. La forêt de Mormal qui se trouve à la sortie de son village devient son sujet principal, presque obsessionnel lors de ces années de guerre. Dans Synthèse de la Forêt, cette forêt anthropomorphique est teintée d’érotisme, montrant un nu allongé au visage jeté en arrière, et caché, offrant au spectateur toutes les clés pour accéder à son imaginaire profond. Ce tableau fut offert par Del Marle à son modèle, Gisèle Courbet, qui explique dans ses lettres que cette œuvre est le fruit d’une brûlante passion...
Resté à Paris pendant l'occupation, Lucien Coutaud traversera une longue période de dépression qui sera aussi celle de son plein épanouissement artistique. Ces années 1940, qui consacrèrent sa « période métaphysique », ont été marquées par une influence revendiquée aux œuvres de Max Ernst, André Masson ou Giorgio de Chirico. Travaillant régulièrement pour le théâtre, Coutaud intégrera la puissance suggestive de la scénographie dans ses œuvres peintes qui semblent être les points de passage vers une nouvelle dimension.
Le paysage surréaliste du mystérieux artiste Pierre Marrast est exemplaire du monde de fiction et d’étrangeté que développent en cette veille du conflit mondial des artistes comme Salvador Dalì et surtout Yves Tanguy. Cette composition d’une facture illusionniste extrêmement précise nous offre des espaces minéraux de science-fiction, lui conférant une atmosphère sidérale et métaphysique. Marrast semble coucher sur ce carton un paysage intérieur révélant l’âme inquiète du poète, plus éloquent encore que n’importe quelle expression faciale.
La danse macabre réalisée par André Masson lors de son exil américain et qui représente un jeune homme enlaçant l'évanescente figure de la mort, semble s'apparenter à une danse rituelle. Imbriqués l'un dans l'autre, pour ne former plus qu'une seule et kaléidoscopique image prête à basculer dans le vide, ces deux amants n'ont que peu de substance humaine. Réfugié dans le Connecticut, Masson rappellera souvent son immersion dans cette nature puissante qui lui transmit une énergie nouvelle et éruptive. Cette représentation du jeune homme et de la mort paraît symbolique, elle illustre le combat qui anime les forces telluriques de la nature : celui de la pulsion de vie et de celle qui vient la détruire.
Arrivée à Royan avec Pablo Picasso en septembre 1939, Dora Maar poursuit son chemin initiatique dans la peinture et le dessin, alors qu’elle est une photographe surréaliste au fait de sa gloire. Sur les conseils de son compagnon, elle reprend cette pratique qu’elle avait abandonnée au début des années 1930. Dora Maar est fascinée par la malléabilité du corps (et du visage) et comme une photographe dans sa chambre noire, elle coupe et recoupe ces visages hallucinés pour inventer de nouvelles expressions. Toujours habile pour laisser transparaître une étrange tension, Dora Maar s’approprie le motif du portrait, elle dont le visage fut tant de fois peint par Picasso.
Le Monténégrin Dado a été très vite classé comme un héritier du surréalisme. Son appartenance à l’écurie de Daniel Cordier et sa proximité avec Hans Bellmer ont favorisé cette idée. Avec Bellmer il partage cette précision diabolique dans le trait et cet intérêt pour le corps. Sauf que Dado ne voit pas le corps comme un espace d’expérimentation du désir, mais comme partie d’un grand bestiaire dans lequel il va puiser ses références. Inconditionnel lecteur de Buffon, il colle ici des pages d’anatomie qu’il détourne pour créer des espèces nouvelles. Le collage est une activité primordiale pour Dado. Non satisfait d’un dessin, Dado décide de le combiner avec d’autres pour leur redonner vie. Alors, il colorie, découpe, redessine et donne 3 ou 4 états à ses dessins. Il en résulte un bestiaire augmenté, macabre mais vivant, inquiétant mais férocement drôle.
Artür Harfaux est l’une des figures majeures du Grand Jeu, groupe d’artistes proche du mouvement surréaliste qui se distinguait par sa très forte exigence métaphysique. C’est précisément ce que recherche Harfaux dans ses œuvres, à la facture très soignée pour mieux diffuser une impression de profonde étrangeté. La structure architecturale et le nus de dos renvoient explicitement à l’univers métaphysique de Chririco, brisé par cet objet (une batte ?) humanisé qui se dresse au centre de la composition. Sortant de terre, la figure-batte tonne au milieu du silence de la composition. Cette rare feuille de 1933 est un édifiant témoignage de l’œuvre d’Harfaux, qui a rejoint en 1932 André Breton au sein du groupe surréaliste.
L’artiste Hans Bellmer apparaît au monde dans toute sa singularité par son œuvre La Poupée, en 1934. Il s’inspire de la démarche d’Oscar Kokoschka, qui en 1918 fait confectionner une poupée grandeur nature, rêvant d’une créature idéale pour le consoler d’une terrible souffrance amoureuse. La création de la poupée pose comme enjeu la question de l’imagination dans son rapport au réel. Bellmer crée un objet modifiable mais inanimé et anonyme, comme une marionnette, devenant l’espace théorique de toutes ses expérimentations futures : Le corps comme matière, où s’ancre la réalité du désir. Le corps et le visages ne sont plus un intermédiaire entre conscient et inconscient mais un espace de travail absolu.
Le poète, éditeur, résistant, Georges Hugnet est également un artiste surréaliste accompli, qui n’excellait jamais autant que dans ses collages. C’est pour lui, comme pour ses amis surréalistes, le principe poétique ultime, la juxtaposition d’éléments contradictoires assurant le dépaysement de la conscience et instaurant les ressorts narratifs du rêve. Dans cet intime collage, ayant appartenu à sa veuve Myrtille jusqu’à la fin de sa vie, Hugnet convoque une figure classique de l’imaginaire surréaliste : l’oiseau, symbole de liberté, d’évasion, rêve inatteignable pour l’homme de s’envoler. Il ancre brusquement, et non sans humour cet oiseau (migrateur) au moyen d’une carte géographique, en Belgique, grande terre du surréalisme.
Jeune peintre au talent immense, Bernard Réquichot accomplit au début des années 1950 son « cubisme accéléré » : une distorsion des formes et volumes au moyen d’une peinture sableuse, rappelant l’itinéraire de Braque et Picasso. Il se tourne ensuite naturellement vers le surréalisme qui correspond mieux à sa propension naturelle au rêve et à l’inconscient. Avant son tragique départ prématuré, Bernard Réquichot est parvenu à constituer un art d’une cohérence et d’une élégance rares. Ses préoccupations le poussent à unir le monde intérieur et le monde extérieur pour s’évader d’une vie qui le fait tant souffrir. Dans cette composition de 1954, Réquichot écartèle la matière et les choses pour les transformer en sensations.